À la découverte des sciences au CP
7 min. de lectureAu début du cycle 2, les connaissances scientifiques de l’enfant se limitent essentiellement à des idées préconçues.
Ma progression passe par l’observation, l’expérimentation et le dialogue. Suivez-moi, nous allons apprendre le cycle de l’eau.
Pour s’assurer de la participation de tous lors des observations dirigées, habituez les élèves à un tour de parole : chacun parle à son tour, personne ne reprend la parole tant que tout le monde ne s’est pas exprimé.
Entre 6 et 7 ans, l’enfant découvre juste le monde rigoureux des sciences.
Jusqu’alors, les connaissances scientifiques de l’élève venaient de l’extérieur : des livres, de la télévision, de l’école et parfois de la famille.
Elles étaient encore entachées d’animisme et d’égocentrisme enfantin.
Pour lui, s’il pleuvait, c’était parce que les nuages « avaient envie » de pleuvoir, si le soleil brillait, c’était parce qu’il « avait gagné » sa lutte contre le mauvais temps, la rivière coulait vers la mer parce qu’elles « s’aimaient bien » …
Le tout s’accompagnait d’idées reçues difficiles à déraciner : il associait pluie et température basse, soleil et température élevée, hiver et neige, quand ce n’était pas eau et robinet…
Ajoutons à cela une culture encyclopédique le plus souvent déconnectée de toute observation directe, portant sur les phénomènes les plus extrêmes (tempêtes, tornades…) et les contrées aux conditions météorologiques les plus éloignées de celles qui ont cours sous des climats tempérés (régions polaires, tropicales…).
Nous aurons brossé un tableau à peu près complet de l’enfant de CP.
Les sciences au CP
Lorsque nous établissons une progression dans le domaine des sciences, nous devons tenir compte de ces constatations :
- L’enfant est jeune, il aura besoin de temps pour passer du stade de la petite enfance où la magie est reine, au stade de l’âge de raison où toute connaissance doit être basée sur du réel.
- C’est par l’observation concrète, l’expérimentation, la confrontation des hypothèses qu’il concevra que la réalité ne se satisfait ni d’à peu près, ni de croyances.
- Les connaissances ne peuvent trouver une réalité que si l’on commence par le quotidien et qu’on bannit l’exceptionnel qui ne l’attire que parce qu’il le renvoie à la magie du premier âge.
- Comme il est jeune, rien ne sert de se précipiter. Tout se construira sur la durée au rythme de ses observations et des dialogues qui naîtront à leur sujet dans la classe.
- De plus, il se lasse vite. Si l’on prévoit de travailler sur une période définie à haute dose afin de fixer quelques conceptions, on risque fort de dégoûter les uns, de conforter les autres dans le principe d’un monde magique doté d’une volonté propre et de n’apporter de réelles connaissances qu’aux quelques enfants déjà prêts à les recevoir.
Découvrons le cycle de l’eau
C’est sur la durée, en suivant un schéma précis, à raison de quatre à cinq courtes séances par mois espacées dans le temps, que les élèves progresseront.
Ils passeront d’une conception très morcelée des phénomènes qui régissent le cours de l’eau dans la nature à une conception plus complète.
Et c’est grâce à ces connaissances scientifiques rigoureuses qu’ils commenceront à concevoir qu’il s’agit d’un cycle immuable concernant une même réserve d’H2O sous ses trois états depuis l’origine des temps et qu’il convient d’adopter certains comportements civiques pour protéger cet élément indispensable à la vie.
Ces connaissances appartiennent à la fois au domaine spatial (géographie physique) et au domaine scientifique (matière et vivant). On peut y ajouter un volet EMC (développement durable et citoyenneté).
Pour présenter le cycle de l’eau à vos élèves, je vous propose une démarche en 3 étapes :
1. Observer ; verbaliser
Au cours de l’année scolaire, si possible en allant sur les lieux, mais aussi en regardant de courtes vidéos ou des photographies, nous donnons à voir aux élèves.
Chaque séance doit tenir compte de ce qui a été appris au cours des séances précédentes de manière à habituer les élèves à s’appuyer sur leurs acquis pour aller plus loin dans la découverte du monde.
C’est la technique des « petits pas ».
Nous les laissons s’exprimer, en prenant garde que chacun ait droit à la parole, nous veillons à ce que le débat s’oriente dans la direction que nous voulons lui donner.
Pour cela, nous avons d’abord établi une très courte liste de savoirs indispensables et nous avons fait en sorte que l’objet d’observation amène facilement tous les élèves à se poser les bonnes questions et à trouver la réponse presque seuls.
Au cours de ce « débat », nous sommes un membre de la collectivité comme les autres. Nous ne mobilisons donc pas la parole mais nous n’hésitons pas à contredire les élèves qui se trompent et à rétablir la vérité, en exposant les arguments qui nous permettent d’être sûr de nous.
Apprenons à nos élèves à tenir compte des acquis antérieurs, à s’exprimer clairement, à justifier leurs propos et à tenir compte de l’avis des autres.
Nous sommes le garant de la vérité et du savoir et nous combattons les idées reçues et les croyances invérifiables avec tact.
2. Expérimenter ; conclure
Cela n’est pas toujours possible mais, dès que nous pouvons, nous faisons pratiquer l’expérimentation.
À l’âge des élèves, point n’est besoin d’un matériel sophistiqué ni de tâches individuelles longues et compliquées.
Nous risquons d’être déçus si nous sommes persuadés qu’ils vont trouver des protocoles expérimentaux élaborés, les mettre en œuvre et en tirer les conclusions qui s’imposent.
Quant à eux, le découragement devant une tâche qui les dépasse les amènera à la dispersion, au détournement d’activité, à la dissipation parfois.
Il est plus simple d’installer les élèves autour d’une grande table, de nous placer au milieu et de les inviter à exécuter un geste de « l’expérience » que nous guidons, toujours en les laissant émettre des hypothèses.
Cela est valable pour toutes les expérimentations avec l’eau ou la glace qui, si nous n’y prenons garde, transforme la classe en vestiaire de piscine en moins de temps qu’il ne faut pour le dire !
3. Résumer les acquis ; garder une trace
Déjà, en cours d’observation ou d’expérimentation, nous prenons soin de réactiver les acquis antérieurs dès qu’ils peuvent nous servir.
De même, dès qu’une découverte importante est mise en lumière et vérifiée, nous l’intégrons à la discussion et ramenons à elle les élèves qui ont tendance à s’éparpiller.
Nous dessinons au tableau, réalisons quelques schémas, notons quelques mots. Mais cela ne suffit pas toujours : il nous faut synthétiser les connaissances acquises.
Avec nos élèves, nous rédigeons un texte court, quelques mots en début d’année, deux ou trois phrases au maximum au troisième trimestre.
Ils le collent dans un cahier de travaux pratiques, format écolier.
Ils l’illustrent aux crayons de couleur, comme ils le souhaitent. Nous avons effacé le tableau entre temps car nous ne voulons pas imposer de modèles à copier.
Le but à atteindre
En 10 mois de classe, nous cherchons ainsi à faire avancer à pas comptés tous nos élèves dans leur acception du principe de réalité et leur compréhension du monde. Ainsi, au niveau du cycle de l’eau, ils sauront tous dire que :
- l’eau d’une source vient d’une nappe souterraine alimentée par l’eau venue des nuages sous forme de pluie, de neige ou de glace, qui a pénétré dans le sol
- cette eau descend les pentes en formant un ruisseau et elle rejoint celle d’autres cours d’eau nés comme elle de l’eau venue des nuages
- ces nombreux cours d’eau forment des rivières et des fleuves
- ils se jettent tous dans une mer ou un océan
- l’action combinée du soleil et du vent fait évaporer une partie de cette eau
- arrivée « très haut dans le ciel », cette vapeur redevient de l’eau sous l’effet du froid et ses gouttelettes minuscules forment les nuages
- lorsque ces gouttelettes deviennent trop grosses et trop lourdes, elles tombent sur terre sous forme de pluie, de neige ou de glace
- une partie de cette eau ruisselle sur le sol et va rejoindre des ruisseaux, des rivières, des fleuves, des mares, étangs et lacs alors qu’une autre partie entre dans le sol, alimentant en partie des nappes souterraines
Le cycle de l’eau sera bouclé. Nos élèves pourront alors s’appuyer sur cette connaissance pratique et concrète pour aller plus loin dans le développement de leur esprit scientifique.
Crédits photo : Catherine, Pixabay