Expédition frigorifique dans l’Arctique canadien

Épisode 6 : Festin à Resolute Bay

Qui est cet homme de pierre qui nous regarde depuis la falaise ?

 

Omni opère un zoom, puis nous explique : “C’est un inuksuk ! Appelé cairn en Écosse. C’est un empilement de pierres créé par les Inuits pour repérer un lieu de passage de caribous ou pour effrayer les bêtes sauvages dangereuses.”

 

“Encore un mot impossible à retenir !” s’amuse CARLA.

 

Moi, je prends des notes. Je commence à comprendre comment se forme la langue des Inuits. J’essaye de trouver le radical, c’est la partie qui contient le sens du mot. L’ensemble des mots qui ont le même radical forment une famille. Cela me permet de comprendre plusieurs mots d’un coup…

L’Inuksuk

Un inuksuk est un empilement de pierres créé par les Inuits pour communiquer entre tribus. Inuksuk signifie “agir en tant qu’être humain”.
Ces empilements de pierres sont le symbole du Nunavut, la province canadienne où vivent les Inuits.

Source : www.thecanadianencyclopedia.ca

Cet inuksuk nous montre que nous arrivons sur la terre des Inuits. Et ça tombe bien, car CARLA a été invité par un de ses nombreux amis… à Resolute Bay !

Inutile de lui demander comment il a rencontré un copain inuit, l’explication durerait trop longtemps. Nous allons donc accoster et visiter la deuxième ville la plus au Nord du Canada !

 

Après 15 jours de traversée en brise-glace et de multiples escales, nous touchons au but de notre voyage. C’est ici que Brabrabra va pouvoir mettre en service son invention, qui a plutôt bien résisté au froid et à l’eau depuis le début du périple ! Autant vous dire qu’elle est au comble de l’excitation… Et n’a pas dormi de la nuit !

En été, le brise-glace peut accéder à Resolute Bay. Et comme ça sent la fin du voyage, le capitaine autorise même CARLA à jeter l’ancre.

C’est décidément un grand jour pour nous tous.

 

Je me demande à quoi ressemble Resolute Bay et je ne suis pas le seul à me poser des questions !

 

CARLA sonde Rémy Marion : “Y a-t-il des igloos dans ce village Inuit ?”

 

“Nous sommes loin des clichés ici CARLA. L’été, pas de neige, ni de glace à Resolute Bay. Le village ressemble à Iqaluit, en bien plus petit. Il n’y a que 200 habitants à Resolute Bay. Les maisons sont en tôle. Elles sont envoyées en pièces détachées puis fabriquées en kit sur place. Ce n’est pas une destination de rêve ! Il y a beaucoup de déchets, des motoneiges hors service dont les habitants ne savent que faire et qui rouillent aux quatre coins du village…”.

 

“Pas de neige, ni de glace ?!” s’inquiète Brabrabra. “Il me faut donc prélever quelques glaçons pour tester mon Brabragélator”. Elle sort son sac de congélation à contenance infinie et vide les bacs à glaçons du congélateur du brise-glace. “C’est bon les gars, on peut y aller !” dit-elle soulagée.

Voilà à quoi ressemble Resolute Bay en plein hiver.

Rémy Marion Pôles d’Images remymarion.fr

Resolute Bay en bref

Resolute Bay est la deuxième ville la plus au Nord du Canada. Son nom vient de l’HMS Resolute, un vaisseau britannique parti à la recherche de l’expédition Franklin.

La ville a été construite en 1953 par le gouvernement canadien. Des Inuits du Sud ont été exilés de force jusqu’à Resolute Bay pour peupler le village. Et le choc a été brutal ! Dans le Sud, ces Inuits n’avaient jamais de nuit noire pendant l’hiver or, à Resolute Bay la nuit est permanente pendant 6 à 8 semaines !

L’hiver à Resolute Bay, il y a de la neige et on circule en moto-neige. L’été, pas de neige, ni de chien de traîneaux. Mais, il peut y avoir de la banquise l’été, car elle bouge avec les courants et le vent…

Superficie : 116 kilomètres carrés

Population : 198 habitants en 2017

Langues : Anglais et Inuktitut

Climat : l’un des endroits habités les plus froids au monde, en moyenne la température est de – 16,7° C.

Source :
· ici.radio-canada.ca
· fr.wikipedia.org
· ici.radio-canada.ca
· www.climatechangenunavut.ca
· www.rcinet.ca

CARLA indique l’adresse de son copain Inuit à Rémy Marion qui nous guide à travers le village.

 

Nous sommes étonnés de voir des voitures, une épicerie et une école dans ce si petit village inuit du bout du monde.

 

“Il y a seulement 55 élèves de la maternelle jusqu’à la douzième année (c’est l’équivalent de notre 6ème au collège). Puis, les enfants doivent partir à Iqaluit pour poursuivre leur scolarité” explique Rémy Marion. “Il y a aussi un aéroport pour permettre le ravitaillement du village en hiver”.

 

On apprend qu’ici, tout marche au fioul, le chauffage et les véhicules. Il faut donc acheminer cette énergie fossile en bateau.

 

Des poissons, ombles arctiques, capelans, flétans et quelques peaux d’animaux sèchent dehors.

 

“Les Inuits chassent beaucoup le phoque, le béluga, le narval, le caribou, le bœuf musqué…” explique Rémy Marion.

 

“Et ça a quel goût le caribou ?” s’interroge Brabrabra.

 

“Le goût de gibier !” répond Rémy Marion, ce qui laisse Brabrabra perplexe. “C’est sûr que ça doit être très différent d’un hamburger !” réfléchit-elle.

 

Il y a du monde devant le supermarché. Il faut dire que c’est l’un des lieux les plus importants du village !

 

C’est ici que les habitants achètent tout ce dont ils ont besoin : nourriture, vêtements, outils de chasse et de pêche. Ils peuvent aussi passer des commandes qu’ils recevront par bateau lors des prochains ravitaillements. Parfois, une commande peut mettre une année à être acheminée jusqu’à Resolute Bay. Il faut alors prendre son mal en patience !

 

Les Inuits portent des vêtements à la mode, des baskets, des lunettes, des jeans…

 

Leurs capuches sont entourées de poils pour bien se protéger du vent.

Rémy Marion Pôles d’Images remymarion.fr

“Salut Ila* !” crie CARLA. Il vient de repérer son ami dans la queue du supermarché. Son copain inuit semble surpris…

* Ila veut dire ami en inuktitut.

Après un court moment de surprise, Ila se montre accueillant. Il a l’habitude de voir des étrangers dans son petit hameau.

 

“Beaucoup de voyageurs font une escale à Resolute Bay avant de partir dans le Grand Nord. Moi je préfère rester confortablement ici que d’affronter les conditions extrêmes ! Mais, chacun son truc.” explique Ila.

Il y a encore quelques années, les habitants se déplaçaient en traîneau à chien toute l’année.
Désormais, ils ne peuvent le faire que l’hiver, car iI n’y a plus de neige en été !

Il nous invite chez lui pour le repas de midi. Sa maison est en bois et en tôle, légèrement surélevée. Sur le côté, de la viande est entreposée.

 

“Bien que très encadrée par la loi, la chasse est encore présente dans la culture inuit” précise Rémy Marion. “Parfois, les grands-parents apprennent à leurs petits enfants à chasser le phoque et l’ours polaire”.

 

“Chez nous le partage de la viande est sacré ! Il permet de nourrir sainement petits et grands. Nous avons l’habitude de manger de la viande, du poisson et du gras. Les produits trop sucrés du supermarché ne nous conviennent pas toujours… Même si on aime les chips et le soda, comme tout le monde !” complète Ila.

 

L’intérieur de sa maison nous est familier. On trouve des meubles, une télévision, et une console de jeu ! Ila nous explique que son fils est fan de jeux vidéos.

 

La grand-mère se joint à nous. Elle fait bouillir du poisson dans la cuisine, avec des pommes de terre.

Le muktuk

Le muktuk ou maktaaq est un plat traditionnel inuit composé de morceaux de peau et de lard de baleine, de narval ou de béluga. Servi cru, ce plat est une excellente source de vitamines, de protéines et de graisse, des éléments indispensables pour survivre au froid.

La viande des animaux chassés est consommée. Les poils, la graisse et la fourrure sont aussi utilisés pour se chauffer, s’éclairer ou confectionner des habits. Rien ne se perd !

Source : www.thecanadianencyclopedia.ca

À midi, ils nous offrent une gamelle de muktut, un plat traditionnel Inuit. Ce plat typique est très fort en goût. C’est un peu déroutant pour nous, mais on se lance !

 

Piaraq, le fils d’Ila nous rejoint après manger. Il nous propose de visiter son école.
* Piaraq veut dire enfant en inuktitut.

 

Il est en CM1. Il lui reste donc encore un an d’école à Resolute Bay, avant de partir en internat pour le collège. Le trajet maison-collège n’est pas faisable quotidiennement !

À l’école, les langues apprises sont l’anglais, le français et l’Inuktitut. Je profite de l’occasion pour en savoir plus sur cette langue. Le professeur m’explique qu’un alphabet, inventé par un missionnaire français, est utilisé partout pour faciliter la communication entre les Inuits. Il me donne même un abécédaire. On dirait des codes secrets !

Alphabet Inuktitut – Wikipédia

Après un peu d’entraînement, je parviens à écrire des messages codés. Génial !

L’école est très connectée à internet. Il y a des ordinateurs et des tablettes, ce qui permet aux enfants inuits de voir ce qui se passe dans le reste du monde.

 

Après la visite de l’école, Ila et son fils nous proposent d’aller voir leurs chiens de traineaux.

 

CARLA n’est pas très partant. Le traîneau lui plait bien mais il est effrayé par ces gros chiens qui ressemblent à des loups.

 

Ici, les chiens ne sont pas considérés comme des animaux domestiques, mais comme un outil de travail. Bien que nous ayons déjà eu l’occasion de croiser des chiots dans le village, les chiens vivent éloignés des êtres humains. Ils sont nourris à l’occasion et attendent patiemment l’hiver, lorsque le traîneau redevient le principal moyen de locomotion !

Rémy Marion Pôles d’Images remymarion.fr

Les chiens de traîneau

Les qimmiit, ou chiens de traîneau, étaient le principal moyen de locomotion hivernal des Inuits avant l’apparition des motos-neige. Bien qu’encore utilisés pour le déplacement, la chasse et la sécurité, les chiens de traîneau jouent un rôle moins important aujourd’hui.

Ces chiens sont parfaitement adaptés aux conditions climatiques de l’Arctique canadien. Ils sont même capables de distinguer l’épaisseur de la glace pour se déplacer sans risquer de passer au travers !

En été, impossible de se déplacer en traîneau car il n’y a pas de neige.

Source :
· ledecoublogue.com
· www.thecanadianencyclopedia.ca

Les chiens d’Ila sont magnifiques avec leur grosse fourrure et c’est vrai qu’ils ressemblent à des loups. CARLA reste bien éloigné.

 

Nous terminons la visite de Resolute Bay par son célèbre hôtel. Il est souvent occupé par des scientifiques de passage, des voyageurs et des médecins itinérants. Il n’y a pas d’hôpital ici, juste une infirmerie et des médecins qui passent de temps en temps.

 

Nous rejoignons justement les scientifiques de l’équipage du Fridtjof Nansen à l’hôtel. C’est l’heure de gloire de Brabrabra et de son Brabragélator ! Madame Limande la biologiste, Madame Elbeuf l’historienne, Monsieur Tuba l’océanographe et Madame Opale la géologue s’attablent avec nous.

 

Brabrabra sort les glaçons de son sac et les met en joue avec son Brabragélator. Le silence se fait dans l’assemblée. Tout le monde retient son souffle…

 

Des Inuits nous ont rejoint pour admirer le spectacle.

 

“Si ça marche Brabrabra, je te réserve une magnifique surprise !” l’encourage Rémy Marion.

 

Les habitants se mettent alors à chanter pour l’encourager eux aussi. Ce sont des chants gutturaux très rythmés.

Les chants gutturaux

Le chant guttural est une technique vocale qui consiste à utiliser son diaphragme et ses cordes vocales pour réaliser un timbre de voix caverneux.

Cette technique est souvent utilisée par des groupes de Rock, mais existe dans de nombreuses cultures, comme chez les Inuits, ou quelques tribus mongols.

La pression est à son comble ! Le Brabragélator tiendra-t-il ses promesses ?

Beneylu Jim