Le tour du monde en 80 jours par deux profs en ULIS
5 min. de lectureEmbarquez pour un projet épatant dès le cycle 3 autour du roman de Jules Verne "Le tour du monde en 80 jours" adapté par Maxime Rovere.
« Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le tour de la terre en quatre-vingts jours ou moins, soit dix-neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents minutes. Acceptez-vous ?” extrait du célèbre Tour du monde en 80 jours de Jules Verne.
Pssst… Ne vous interdisez rien ! Ne vous arrêtez pas à la simple étude du texte mais profitez-en pour la décliner dans d'autres disciplines pour en faire un projet avec une production finale à partager. Et si la production d’écrits coince, essayez de passer par le dessin pour débloquer vos élèves.
Gwenaëlle et Émilie, profs spécialisées en ULIS collège, vous partagent leurs activités autour du roman dans une interview croisée pleine d’astuces !
1. D’où vient l’idée de travailler sur le roman de Jules Verne ?
Émilie : Gwenaëlle, une cyber collègue avec qui j’échange souvent, m’a parlé du roman de Jules Verne qu’elle avait envie de lire avec ses élèves. Nous avons donc décidé de travailler ensemble en échangeant nos idées et documents par mail. Et on continue depuis à travailler à distance ! Cette année, ce sera sur le roman policier qu’on prépare pour la rentrée.
Chaque année, j’essaie de partir de supports littéraires en lien avec les programmes du collège : L’Odyssée, Le roman de Renart, Les fables de la Fontaine… Cela nécessite forcément une adaptation puisque je travaille en dispositif ULIS avec des adolescents de 12 à 16 ans qui présentent tous un handicap : TSA, TDAH, dyslexies, dysorthographies… Malgré leurs difficultés scolaires, il faut donc partir sur des supports plus ados afin de les motiver, tout en adaptant les textes et les questionnaires pour du niveau primaire.
Gwenaëlle : Le projet concernait des classes ULIS collège, avec des élèves porteurs de troubles des fonctions cognitives. Ces jeunes ont un niveau pouvant aller de début cycle 2 au cycle 4, donc très hétérogène ! Malgré les difficultés de lecture et de compréhension qu’ils rencontrent, il me paraît essentiel de leur faire connaître les grands auteurs. Au delà de l’étude de l’histoire elle même, Le tour du monde en 80 jours est un texte très porteur et exploitable dans d’autres disciplines pour nos élèves :
- gestion de l’espace (passage de la carte au globe terrestre)
- géographie (découverte des pays et continents)
- culture (drapeaux, coutumes et musiques du monde)
Et autres !
2. Quels sont les supports utilisés ?
Émilie : Nous avons utilisé le livre Le tour du monde en 80 jours adapté par Maxime Rovere. Ensuite, nous avons créé tous les supports pour les adapter à nos élèves :
- Tapuscrits sur plusieurs niveaux
- Questionnaires sur plusieurs niveaux
- Cartes mentales
- Carte voyage
- Feuille de route
- et ateliers d’écriture
Avec notre public, nous pouvons difficilement utiliser des supports tout prêts : cela fait souvent trop « enfantin » et ce n’est pas adapté à l’hétérogénéité de nos élèves.
Ce projet s’est déroulé sur l’année : une heure de lecture par semaine, soit une partie par semaine. Un temps de lecture, puis de travail à l’oral pour terminer par les questionnaires avec une partie à continuer à la maison.
Nous avons aussi chacune ajouté des temps ponctuels ou plus formalisés. De mon côté, j’ai fait un travail sur les pays traversés par Philéas Fogg avec mes élèves et la prof documentaliste du collège. Nous avons fait des exposés et cela a abouti à une petite exposition aux parents d’élèves et aux élèves du collège au sein du CDI. J’ai fait des ateliers de langage avec le jeu « Brainbox, tour du monde ». J’ai également travaillé en production d’écrits à partir des ateliers préparés par Gwenaëlle.
Mon travail est partagé sur le blog Mimiclass.
Gwenaëlle : De mon côté, j’ai utilisé la vidéo Le tour du monde en 80 jours – Les voyages extraordinaires de Jules Verne pour aider certains de mes élèves à visualiser l’histoire.
J’ai choisi d’exploiter le travail mené en activité d’expression. Nous avons travaillé en atelier d’écriture « le tour de Passepartout », ce qui a servi de support à la création d’un spectacle de cirque dont l’histoire était le fil conducteur. L’exploitation de ce texte peut être très riche et chacun pourra y trouver à faire !
3. Quelles sont les étapes ?
Émilie : J’ai abordé l’œuvre qui allait être étudiée à l’aide d’une fiche découverte. Nous avons fait un travail de recherche sur l’auteur Jules Verne au CDI avec un petit exposé. Puis, au fur et à mesure de notre temps de lecture hebdomadaire, les élèves remplissaient leur carte mentale des personnages, leur feuille de route, la carte de voyage.
Nous avons aussi fait des ateliers d’écriture et de langage et une séquence sur la révolution industrielle en fin d’année en histoire. Le travail a été un projet sur l’année puisque nous avons étudié l’ensemble de l’œuvre.
Gwenaëlle : De mon côté, une fois l’histoire bien ancrée, nous avons commencé à la mettre en scène.
4. Les élèves ont-ils rencontré des difficultés ?
Émilie : Étant en dispositif ULIS, mes élèves ont tous des difficultés, particulièrement en français : lecture parfois au stade du déchiffrage, dyslexie et difficultés de compréhension principalement. Nous essayons donc de partir sur des supports qui leur parlent. Nous avons la chance de pouvoir avancer au rythme des élèves, de prendre parfois des temps de remédiation pour chacun afin de travailler sur des difficultés en particulier.
Tout comme Gwenaëlle, cela a été très compliqué de faire comprendre aux élèves pourquoi Philéas Fogg avait un jour d’avance. Ils avaient compris la notion de fuseau horaire, mais le fait qu’il gagne une journée en faisant son voyage vers l’est leur est passée complètement au-dessus ! J’ai choisi de ne pas insister sur ce point.
Une autre difficulté a été la recherche pour les exposés : travail sur la notion de mot-clé, mais surtout le tri d’informations afin de garder l’essentiel pour les affiches. En fin d’année mes élèves étaient plus autonomes.
Les ateliers d’écriture ont été parfois difficiles. Écrire ET réfléchir pour produire, c’est toujours des gros soupirs, des lamentations… Mes élèves se sentent en échec et se dévalorisent avant même d’avoir essayé. Heureusement, en passant par la visualisation, parfois le dessin et la mise en place d’outils comme des cartes mentales, cela leur a permis de produire. Nous avons affiché toutes nos productions en classe et à l’exposition. Et ils étaient très contents !
Gwenaëlle : Les difficultés de lecture et de compréhension peuvent être importantes pour certains de nos élèves. C’est pourquoi les supports sont adaptés à chacun ! Quand elle est présente, l’AESH du dispositif est aussi d’une grande aide.
Au delà de cela, mes élèves ont eu du mal à comprendre la notion de fuseaux horaires ou à faire le lien entre carte et globe terrestre. Se projeter dans les années 1870 n’est pas toujours évident non plus pour eux ! Un beau challenge en perspective donc !
5. Un conseil pour un prof qui se lance dans la lecture de Jules Verne avec ses élèves ?
Émilie : Je pense que ce roman doit être travaillé au maximum en interdisciplinarité. Il y a pleins de possibilités en histoire, géographie, arts… Nous sommes loin d’avoir tout exploré ! Jules Verne est un auteur qui peut paraître difficile, mais finalement c’est important pour nos élèves d’avoir accès à cette culture littéraire qu’ils ne pourraient pas avoir autrement, à cause de leurs difficultés scolaires. À nous d’adapter afin de rendre cela possible !
Gwenaëlle : Ne rien interdire ! Ne pas s’arrêter à la simple étude du texte mais en profiter pour la décliner dans d’autres disciplines et en faire un projet avec une production finale à partager.
Des ateliers d’écriture autour du portrait ont été réalisés en parallèle avec un travail mené en sciences cognitives et méthodologie de l’apprentissage (visualisation mentale et cartographie mentale). Un minimum de connaissances dans ce domaine est donc nécessaire pour suivre la trame proposée. Bon tour du monde !