12 conseils avant de partir enseigner à l’étranger
9 min. de lectureAprès 3 ans à enseigner en France à Péronne (Somme), Arnaud a décidé de partir faire classe… en Tunisie ! On lui a posé toutes nos questions.
Arnaud est professeur des écoles à l’étranger. Il dévoile ses 12 astuces pour partir enseigner à l’étranger.
Après 3 ans à enseigner en France à Péronne (Somme), Arnaud a décidé de partir faire classe… en Tunisie ! On lui a posé toutes nos questions.
En route pour l’enseignement français à l’étranger. Vous venez ?
1. Être professeur des écoles à l’étranger
Lucile pour Beneylu Pssst : Arnaud, raconte-nous ta vie de professeur des écoles à l’étranger.
Arnaud : Aujourd’hui, j’enseigne à des élèves français à l’étranger et à quelques élèves tunisiens dont les parents ont choisi le système éducatif français. Ma classe est un vrai melting-pot ! Les élèves ont envie d’apprendre, c’est agréable.
On suit le programme scolaire français, auquel on ajoute 2 heures d’enseignement de la langue du pays. Dans mon cas c’est l’arabe, enseigné par un autre professeur (mes élèves parlent l’arabe mieux que moi !).
2. Les contrats des enseignants français à l’étranger
B. P. : Comment devient-on enseignant français à l’étranger ?
Arnaud : Il faut enseigner au moins 3 ans en France avant de pouvoir postuler pour un poste à l’étranger.
On monte des dossiers pour pouvoir partir. Les mouvements paraissent dans le B.O pour les écoles françaises.
Deux agences gèrent principalement les contrats :
- L’AEFE (l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger : http://www.aefe.fr). L’AEFE est un établissement public national sous tutelle du ministère des affaires étrangères. Dans ces établissements, vous pouvez être détaché soit en qualité d’expatrié soit en qualité de résident soit en contrat local.
- La MLF (la Mission laïque française : http://www.mlfmonde.org). La Mission laïque française créé et gère des écoles, collèges, lycées dans le monde. Le but de cette association est de diffuser la langue et la culture française par la scolarisation à l’étranger.
On peut choisir parmi 3 types de contrats :
- Emploi en qualité d’expatrié
- Emploi en qualité de résident
- Emploi en qualité de recruté local
1) Le contrat d’expatrié est en voie de disparition. Il offre beaucoup d’avantages (on est payé presque 2 fois plus qu’en France, on peut avoir une aide pour le déménagement…). Il est moins commun aujourd’hui car il coûte cher. On peut avoir de nos jours ce statut si on est directeur, formateur ou conseiller pédagogique par exemple.
Il faut :
- être titulaire du ministère de l’éducation nationale
- justifier au minimum de 3 ans de services effectifs dans la fonction en qualité de titulaire.
Le détachement s’effectue pour une période de 3 ans, renouvelable une fois.
2) Le contrat de résident est le plus étendu. On perçoit le salaire français et une prime d’éloignement.
Il faut :
- être titulaire du ministère de l’éducation nationale
- justifier au minimum de 3 ans de services effectifs dans la fonction en qualité de titulaire.
Le candidat est recruté sur proposition du chef d’établissement, après avis de la commission consultative paritaire locale.
3) Le contrat de droit local est moins bien payé. Il faut faire attention au coût de la vie à l’étranger si vous le choisissez. Il propose une sécurité sociale locale et on ne cotise pas pour la retraite française. C’est un contrat privé.
Il permet de recruter des personnes qui ont un bac + 3 avec un bon niveau de français, qui peuvent apprendre sur le tas. Ce type de contrat peut également aider un enseignant qui ne trouve pas de contrat résident au début, car il est plus rapide et plus simple d’accès. C’est une porte d’entrée pour 1 ou 2 ans, qui permet d’être ensuite prioritaire sur un poste de résident.
Les personnels enseignants recrutés sur un contrat local par un établissement scolaire seront placés en disponibilité.
De façon générale, pour ces 3 types de contrats, il faut s’accrocher pour décrocher un poste. On postule parfois plusieurs années avant d’y arriver et la constitution des dossiers peut en décourager plus d’un.
Pour l’AEFE, on doit écrire à chaque établissement, ou pour certains pays à un organisme centralisant les demandes, prévoyez donc un certain budget pour poster votre courrier (imaginez un courrier de 300 g pour l’Afrique du Sud, un autre pour un établissement à Canberra, un autre pour Sydney et vous comprendrez rapidement qu’il faut prévoir un petit peu d’argent en plus de prévoir les délais d’acheminement).
Pour la MLF tout est centralisé par une inscription sur leur site web, il faut compter 21 euros pour le traitement des dossiers.
N’attendez pas la dernière minute pour constituer votre dossier ! Vous pouvez dès à présent consulter les listes des pièces à fournir de cette année.
Généralement, les établissements demandent les mêmes choses donc faites-vous un dossier mutation et enregistrez sous format PDF vos rapports d’inspection, vos attestations de stage et vos divers diplômes, cela vous fera gagner un temps fou, vous verrez. Attention, certains établissements demandent des documents particuliers et/ou à durée limitée dans le temps (extrait de casier judiciaire de moins de 3 mois…).
On demande également systématiquement une courte lettre de motivation manuscrite (moins d’une page) que vous devrez scanner également pour certains dossiers.
N.B. : Le format PDF est requis pour les documents à envoyer à la MLF et pour certains établissements AEFE.
C’est assez amusant de faire tranquillement en famille des plans sur la comète et chercher des renseignements sur Rio de Janeiro, Dakar ou Shanghai avant de se faire une « top liste ».
Pour savoir où partir, n’attendez pas la dernière minute ! Les sites de l’AEFE et de la MLF proposent à tout moment des cartes et des listes détaillées de tous les endroits où il y a des écoles françaises à l’étranger. Après, il suffira de voir si un poste se libère l’année où vous postulerez.
3. Les organismes
B. P. : Faut-il choisir l’AEFE ou la MLF ?
Arnaud : Les deux agences sont de qualité.
La Mission laïque française est pratique quand vous êtes un couple d’enseignants. Elle facilite les rapprochements en proposant des postes couplés.
L’AEFE présente un plus grand panel de postes.
4. Les dates pour postuler
B. P. : Quand devons-nous postuler ?
Arnaud : Retenez 3 dates :
- Avant décembre
- Janvier
- Mars
Les inscriptions sur la plate-forme recrutement de la MLF se font dès septembre.
Les postes paraissent dès décembre dans 27 pays AEFE :
Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Argentine, Belgique, Brésil, Cameroun, Canada, Chili, Chine, Congo, Égypte, Espagne, Éthiopie, Gabon, Gambie, Italie, Japon, Liban, Madagascar, Maroc, Portugal, République démocratique du Congo (RDC), Royaume-Uni, Sénégal, Tunisie, Vietnam.
Il y a une nouvelle vague de postes AEFE en janvier et vous finaliserez certains dossiers MLF à cette date (attention inscription sur la plate-forme MLF obligatoire avant décembre).
Les résultats tombent début mars. Vous avez 72 h pour accepter (ou refuser) le poste.
5. Le moment pour partir enseigner à l’étranger
B. P. : Quels enseignants partent à l’étranger ?
Arnaud : Souvent, ce sont de jeunes enseignants qui décident de partir.
Chaque pays choisit ses critères de recrutement. Un enseignant qui a roulé sa bosse coûte plus cher, cela peut être un frein.
Le moment idéal, c’est entre le 5ème et le 7ème échelon. On obtient alors généralement le plus de points dans la catégorie « échelon » pour obtenir un poste à l’étranger.
Certaines qualifications sont appréciées et peuvent ramener des points dans vos dossiers de candidature : CAFIPEMF, BAFA, diplôme de FLE (Français Langue Etrangère), diplôme(s) de langue étrangère, maîtrise de l’outil informatique, attestations de stages divers et variés, attestation PSC1 (formateur en premier secours), … N’hésitez donc pas à vous former et à récupérer / conserver vos attestations de stage.
Les critères principaux sont vos rapports d’inspection et votre dernière note pédagogique. Si vous êtes déjà dans un réseau (AEFE ou MLF), votre dernière note administrative pourrait aussi entrer en compte. C’est une note donnée par votre chef d’établissement qui prend en compte notamment votre assiduité et votre « rayonnement » dans l’école.
6. Partir oui, mais combien de temps ?
B.P. : Combien de temps partir ?
Arnaud : On sait dès le départ à l’étranger que ce n’est pas ad vitam aeternam. On peut nous demander de revenir au bout de 3 ans s’il y a besoin d’enseignants en France et que notre académie est déficitaire.
Généralement en contrat de résident, on peut demander 2 ou 3 fois des renouvellements de détachement sans trop de problèmes (sauf si bien sûr vous venez d’académies déficitaires).
7. Partir en famille
B. P. : Et si on a des enfants ?
Arnaud : C’est formidable de partir avec les enfants !
Ils apprendront énormément de choses et comme le dit le proverbe, les voyages forment la jeunesse. Faites-leur prendre des cours supplémentaires pour apprendre la langue du pays, ce sera pour eux un formidable atout.
Faites cependant bien attention au système de santé. Renseignez-vous sur la qualité des infrastructures médicales du pays. Pour les remboursements, si vous avez un contrat de résident, vous avez la mutuelle française.
Les sites des syndicats présentent des guides avec de bons conseils et du vécu… Cela permet aussi de découvrir les spécificités de chaque pays. N’hésitez pas à les consulter, cela donne des conseils généraux mais aussi spécifiques aux enseignants sur le pays et ses particularités.
8. L’accès à l’école française à l’étranger
B. P. : L’école française à l’étranger est-elle payante ?
Arnaud : Oui, elle est payante même si un système de bourse existe pour les familles ayant moins de ressources. L’école française à l’étranger est plus chère pour les non français.
Les enfants d’enseignants bénéficient généralement de quelques avantages (exemption de droits de première inscription, …). L’accès pour les français y est de droit, il peut être soumis à des concours d’entrée pour les autres nationalités en fonction des places disponibles.
Nous sommes payés par la France, en euros (avec une part du salaire versée en monnaie locale). Dans certains pays, nous pouvons donc vivre beaucoup plus aisément qu’en France grâce à la différence de niveau de vie.
A contrario, dans certains pays par ailleurs attractifs (Australie, Japon,…), le niveau de vie est plus cher qu’en France. C’est un critère important à prendre en compte dans votre réflexion.
9. Les élèves
B. P. : Quel est le niveau scolaire des élèves lorsqu’on enseigne à l’étranger ?
Arnaud : Nos élèves ont en général un bon niveau scolaire. Ce qui est agréable à l’étranger c’est que les enfants sont très éveillés grâce à un accès plus grand aux voyages et à la culture.
Les élèves voyagent beaucoup. Il m’est souvent arrivé d’avoir des exposés sur l’Antarctique ou sur le Kenya avec les photos que les élèves avaient prises là-bas !
Les parents suivent généralement leurs enfants et sont motivés pour nous aider à travailler dans les meilleures conditions. Même si j’ai également passé de supers moments en ZEP à Amiens, j’adore mon métier à l’étranger !
10. Le programme scolaire
B. P. : Est-ce qu’on fait classe différemment ?
Arnaud : On suit le même programme qu’en France. Les élèves ont en plus 2 heures d’enseignement de la langue du pays avec un autre professeur. S’ajoute 1h par semaine en co-intervention, où je fais une matière en partenariat avec le professeur d’arabe.
Par exemple, on fait un cours de géométrie dans les deux langues. Les enfants répondent à leur convenance en français ou en arabe car la plupart sont bilingues.
Nous définissons ensemble les compétences à atteindre dans la matière du programme français choisie. Nous évaluons également de façon transversale la langue parlée dans un contexte spécifique.
Bien sûr, en histoire et en géographie on parle également du pays d’accueil, cela parle plus aux enfants que de parler uniquement de la France. Quand on fait la première guerre mondiale par exemple, on l’étudie également sous l’aspect des soldats tunisiens qui se sont battus pour la France.
Nous avons une journée de fêtes des habits traditionnels et de nombreux projets qui parlent du pays d’accueil (rencontre avec des écoliers tunisiens, rencontre d’artiste, visite de monuments, …). Dans notre calendrier scolaire s’ajoutent également certains jours fériés tunisiens.
11. Les écoles françaises à l’étranger
B. P. : À quoi ressemble une école française à l’étranger ?
Arnaud : L’équipement est à peu près comme en France. Dans certains établissements, les classes vont de la maternelle au lycée. Il peut y avoir jusqu’à 40 classes de primaire dans le même établissement, même s’il existe également de plus petites structures. Les écoles françaises sont généralement dans les grandes villes ou dans les villes qui ont une importance économique et touristique.
Il existe des EGD, des écoles en gestion directe qui sont des écoles françaises à l’étranger.
II existe également des écoles partenaires, qui ne sont pas des écoles en gestion directe mais qui sont des écoles locales avec un « label France ». Pour ces écoles partenaires, il faut bien étudier le contrat, appeler et poser des questions aux futurs collègues ou aux syndicats pour voir si les conditions de travail sont bonnes. Certaines écoles partenaires ont le « label France », mais les conditions de travail peuvent y être parfois plus difficiles…
12. Un dernier conseil pour la route
B. P. : Alors, on se lance ?
Arnaud : Je vous recommande la vie d’expatrié, bien sûr !
Mon père a vécu au Laos, au Maroc, en Tunisie, il m’a donné le goût du voyage. Vivre dans un autre pays nous donne une vision plus large du monde. C’est vrai qu’en plus, il est agréable d’avoir le soleil presque toute l’année pendant qu’en Picardie on grelotte.
Mais, enseigner à l’étranger veut aussi dire quitter sa famille et ses amis. Renseignez-vous bien sur les us et coutumes du pays dans lequel vous voulez aller avant de vous y rendre. Vivre dans un pays et y partir en vacances, ce n’est pas la même chose !
Un dernier conseil avant de partir : ne partez pas pour fuir des problèmes (ils vous suivront), partez si vous avez envie de découvrir de nouvelles choses. Sur place, essayez d’arriver le plus tôt possible (pour vous laisser le temps de vous retourner avant d’attaquer la rentrée).
Rapprochez-vous des collègues, ils vous donneront des astuces qui vous feront gagner du temps (notamment pour le logement et pour toute la paperasse administrative).
En résumé, même s’il est de plus en plus rare de partir pour une très longue période, c’est une super expérience !
Crédit photo : Arnaud