
Une semaine de rituels dans une classe flexible
8 min. de lectureInstaller un rituel de classe est très enrichissant. En plus de la positive attitude, les avantages des rituels sont nombreux, et entraînent une vague de solidarité, d’entraide et de partage qui nous va droit au cœur.
Enseignante depuis mes 23 ans, c’est en devenant mère pour la seconde fois que j’ai réalisé à quel point les enfants étaient différents les uns des autres. J’ai vite compris que la classe traditionnelle, aux tables bien alignées, aux exercices à faire par tous les élèves en même temps ne s’adaptait pas aux besoins de chacun. Petit à petit, j’ai donc cherché à mettre en place des rituels de classe permettant à chaque élève de s’y retrouver, selon son niveau, sa maturité… Mon école Edith Busseron en est un bel exemple !
Ma classe flexible
Mon premier grand changement fut de passer aux pédagogies alternatives. La pédagogie Montessori montre en effet que les enfants doivent manipuler pour apprendre. J’ai donc remplacé les manuels par des activités de manipulations. À chaque fois que je veux travailler une nouvelle notion avec mes élèves, je passe toujours par la pratique pour leur faire découvrir.
Cette nouvelle approche pédagogique passe également par une disposition particulière de la classe. Rien que la façon de disposer les tables change la vision de la classe. Ici, les tables sont disposées en îlots, ce qui renforce la coopération entre élèves.
Les besoins des élèves sont différents, j’essaie donc de proposer des astuces qui permettent à chacun de trouver la meilleure façon de se concentrer. Pour les élèves qui ont besoin de calme lors les ateliers d’écriture, j’ai mis à disposition des casques anti-bruit et des paravents.

Pour la lecture, j’ai choisi d’installer des transats, des tapis et des coussins dans certains coins de la classe. Les élèves lisent mieux que sur une chaise, ils sont plus calmes et concentrés.
Pssst... J’ai réalisé que, tout comme mes élèves, j’avais moi-même du mal à rester concentrée sur ma chaise pendant 3 heures de formation. Aujourd’hui j’essaie de proposer des manières plus confortables de travailler. « Lâcher la bride » peut faire peur, mais en m’adaptant à mes élèves, je découvre que tenir ma classe est beaucoup plus facile.
Notre thème de classe
Dès la rentrée, nous personnalisons notre classe pour que chacun s’y sente bien. Une manière simple de la rendre accueillante, c’est de choisir un thème pour l’année et de réaliser des affiches pour la classe et pour chacun de nous. Cette année, notre thème de classe est « Harry Potter », et quelques décorations suffisent à plaire à tous mes petits sorciers !

Nous avons donc fait une affiche pour présenter la classe, et chaque élève a personnalisé sa fiche de sorcier visible à l’entrée de la classe en y inscrivant sa date de naissance. Cette astuce est très simple, mais elle participe beaucoup à la cohésion de notre classe.

Ma classe ritualisée
Je n’ai qu’un petit temps spécifique pour la vie de classe, mais en vérité, chacun de nos rituels participe à la privilégier et la mettre en avant. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire, le tout est de prendre le temps de trouver ce qui correspond le mieux aux élèves et à l’enseignant. J’ai installé ces rituels progressivement, et ils sont désormais bien intégrés dans la classe. Si j’oublie parfois de faire certains rituels, les élèves ne manquent pas de me le rappeler !
1. Le matin
Tous les matins, les élèves arrivent en classe en connaissant leur rôle. J’ai imprimé des « cartes métiers » qu’ils choisissent en fin de semaine pour savoir quel est leur mission de la semaine : écrire la date au tableau, faire l’appel, etc. Tout est affiché sur la porte près du tableau de la classe, et chaque élève prend cela très à cœur !

Après cela, au travail ! Dans ma classe, je commence par une petite dictée, puis j’organise des ateliers de lecture et d’écriture en demi-groupe. Le premier est en autonomie et chaque élève peut suivre son avancée grâce aux fichiers que je mets à leur disposition avec tous les ateliers à faire ce semestre et les explications. Le second groupe travaille avec moi, cet atelier me permet de prendre le temps de suivre attentivement chaque élève. Puis les élèves changent d’atelier. Après la récréation, nous passons ensuite aux mathématiques.
Je me rends compte qu’avoir le même programme n’est pas, lassant, au contraire, ces rituels bien intériorisés sécurisent les élèves. Ils savent ce qu’ils vont faire en arrivant, et cela est très rassurant.
2. L’après-midi
En début d’après-midi, les élèves participent à un rituel qui influe beaucoup sur la vie de classe. Nous commençons toujours par un petit massage dans le dos entre copains. Je lance la musique, et tous les élèves suivent l’affiche qui rappelle les étapes du massage : d’abord les épaules, puis on revient sur le milieu du dos… Cela prend seulement 5 minutes, mais ils apprécient énormément ce moment de partage et de calme. Nous reprenons ensuite les activités dans une ambiance apaisée, c’est vraiment efficace !
3. Les ateliers d’école
Depuis 4 ans, la petite nouveauté de notre école a été de mettre en place des ateliers d’école. Deux après-midis par semaine, tous les élèves d’un même cycle se mélangent dans des groupes, puis rejoignent les ateliers proposés par chaque enseignant. Nous devenons alors les « spécialistes » d’une matière pendant quelques instants. Ce changement d’enseignant permet aux élèves d’être toujours en position de réussite en variant les méthodes d’enseignements et les pédagogies.
Cela entraîne aussi une véritable solidarité entre les élèves. Les grands peuvent toujours aider et expliquer des exercices aux CP, et les CP eux-mêmes sont valorisés par ces ateliers multi-âges.
4. La monnaie de la classe
Je n’ai jamais été favorable à la sanction. Selon moi, la punition ne permet pas de comprendre ce qui s’est passé. Lorsqu’on fait une erreur, le seul moyen de se sentir mieux, c’est de la réparer ! Pour cela, j’utilise depuis quelques années une « monnaie » qui sert à toute la classe et participe grandement à sa bonne ambiance. Ce système permet de valoriser le comportement des élèves en leur faisant gagner des « busserons ». Nous tenons pour chaque élève un « bulletin de salaire », qui leur permet d’obtenir des privilèges tout au long de l’année. Ils peuvent par exemple gagner des coloriages, du papier à origami… Le gain importe peu, les élèves sont surtout fiers lorsqu’on met en avant leurs bonnes actions. Un bon comportement permet alors de s’enrichir très facilement.
Mais attention, cela marche dans les deux sens : l’élève peut également recevoir une « contravention » lorsqu’il se comporte mal. (Cela permet d’ailleurs de réguler la circulation de la monnaie !)

Avant de mettre cela en place, il faut toutefois bien positionner nos attentes : cette monnaie n’a rien à voir avec les résultats scolaires. Son but est de valoriser l’attitude des élèves : j’ai pris l’initiative d’aider un camarade, j’ai droit à une valorisation.
Dans l’année, nous organisons des « marchés », durant lesquels les élèves peuvent « vendre » ce qu’ils auront fabriqué. J’ai déjà vu des élèves donner leurs busserons à d’autres qui n’avaient rien ! Cela a véritablement renforcé la cohésion de notre école.
5. Le conseil d’élèves
Chaque vendredi, nous organisons un conseil d’élèves dans la classe. Pendant la dernière heure, nous prenons 45 minutes pour partager ce moment très ritualisé. Ici encore, chacun son rôle : il y a un président, un secrétaire, un maître du temps… (Les métiers des élèves sont choisis chaque vendredi). Une fois, j’ai été absente un vendredi, et mon remplaçant a été agréablement surpris de voir que les élèves connaissaient leur rôle et qu’ils parvenaient à animer un conseil eux-mêmes, c’était même très important pour eux de présenter ce rituel.

Le conseil d’élèves fonctionne en trois parties : un système de félicitations, un système de critiques, et enfin un temps consacré aux projets de la classe.
Le temps dédié aux félicitations et aux critiques est très important. Chacun peut faire un message clair pour valoriser l’action d’un camarade, ou pour au contraire exprimer les difficultés qu’il a pu ressentir dans la semaine. Pour s’en souvenir, j’ai installé une boîte à compartiments dans la classe. Dès qu’un élève ressent le besoin d’écrire ce qu’il a mal vécu, il glisse un message clair dans cette boîte pour pouvoir en reparler lors du conseil. Je l’appelle « le frigo », car il permet de faire refroidir l’émotion ressentie par l’enfant.
Pendant les premières séances, les CP n’osaient pas trop se féliciter, ils étaient plutôt timides, mais aujourd’hui, la parole se détend. C’est très émouvant de les voir se féliciter progressivement les uns les autres, et parler de leurs émotions leur fait vraiment du bien. Ils sont désormais capables de parler de ce qu’ils ressentent sans pudeur, et même les plus timides se prennent au jeu !
Mon moment préféré reste le temps dédié aux projets de la classe. Chacun peut exprimer ce qu’il souhaiterait étudier, et nous réfléchissons tous ensemble aux manières de le mettre en place. Avant les vacances, les CP avaient envie de soigner les animaux. Nous avons donc organisé des ateliers pour réaliser des bocaux à insectes et des boules à graines pour les oiseaux. Dès qu’un projet est voté par le conseil d’élèves, c’est à eux de le préparer. Une fois, ils ont voulu visiter une boulangerie. Ils ont donc fait des recherches dans l’annuaire, puis écrit une lettre à un boulanger, dessiné le trajet pour s’y rendre, et rédigé un article sur la visite. Chaque projet retenu est un prétexte pour réaliser plein d’ateliers de travail !

Si je devais convaincre un enseignant qui hésiterait à se lancer, je commencerais par dire qu’il n’y a aucune pression à avoir. Les rituels que je mets en place sont arrivés progressivement. Au départ, j’étais une des seules à fonctionner ainsi ! Aujourd’hui, nous les avons partagés avec toute l’école, et cela a créé une véritable dynamique. L’important pour que cela fonctionne, c’est d’utiliser des messages clairs. Cela évite beaucoup de problèmes qui pourraient avoir lieu si les élèves ne communiquaient pas. Si je me dispute avec une copine, je lui fais un message clair dans lequel j’exprime ce que j’ai ressenti. Automatiquement, les solutions apparaissent : oui, la copine comprend qu’elle a attristé sa camarade, et peut lui faire ses excuses pour réparer cela. Si ce temps d’écoute ne suffit pas, on peut mettre une critique au frigo pour laisser le temps à la colère de redescendre. L’élève sera plus à même de comprendre plus tard le message clair, et nous pourrons réfléchir tous ensemble à la manière de réparer ça.
Les retours positifs des parents ont été très rapides, ils sont fiers de voir que les élèves sont acteurs de leur apprentissage et participent à la dynamique de l’école. L’habitude de régler les problèmes en essayant d’abord de les exprimer et de les comprendre s’applique aussi bien à l’école qu’à la maison.